Démarche & Portfolio

Le détournement d’images scientifiques s’incarne dans mon travail plastique. Les éléments de la quiddité, tels que les traits créées par la nature ou par l’activité humaine conditionnent mes créations. Les lignes relient à l’ordinaire, je les utilise pour composer des œuvres graphiques.

« Je veux créer une situation dans laquelle la réalité elle-même devient sujette à caution. Où chacun doit remettre en question ses préjugés et son rapport aux objets qui l’entourent » (propos de Mona Hatoum, BOMB magazine n°63 printemps 1998).

Lors de l‘exposition de Mona Hatoum au Centre Pompidou en 2015, des cartes paradoxales sont exposées. Cette année coïncide également avec mon premier voyage au Japon et à la lecture du livre de Roland Barthes, L’empire des signes. Ces deux rencontres ont orienté mon regard vers les cartes.

L’utilisation de cartes provenant d’endroits que je visite ou dans lesquels je réside me serve de base de travail. La cartographie est un système de représentation qui fournit des schémas de phénomènes physiques ou d’objets complexes. Les plans donnent forme à des images de délimitation de l’environnement : les rues, les quartiers, les champs, les forêts sont autant de contours qui organisent l’espace terrestre. L’aspect graphique de ces dessins amène une lecture esthétique pour réfléchir sur l’environnement. Les cartes signent un premier voyage par la pensée, puis l’errance et enfin la réminiscence. En observant un plan du passé, on découvre le paysage d’avant, les évolutions, on peut se rapprocher de nos aïeux ou de cultures éloignés. Le voyage m’attire dans l’observation de la diversité des pratiques. À l’étranger, je confronte mes habitudes, à celles d’autres cultures. J’aime marcher dans les paysages urbains et ruraux.

L’observation de paysage, et en particulier des plantes provenant de pays ou de temps lointains vise quant à elle une autre forme d’évasion. Progressivement, mon regard c’est orienté sur les poaceae, ou graminées, pour deux raisons ; leur structure graphique et leur répartition cosmopolite.

La superposition des plans de ville et des dessins de plantes porte la réflexion sur la structure de notre écologie et d’un nécessaire équilibre ténu. Les végétaux s’immiscent subtilement par l’apparition de micro mousse, de formation bactériologique. La trame des végétaux, par sa structure même, ressemble à la forme de nos villes. Tels des atlas, mes œuvres racontent des histoires de lignes.

Ma technique est reliée à la matière par des gestes instinctifs, c’est un lien presque enfantin à la création. J’utilise des matériaux primaires et naturels, tels que le tissu, le papier, le bois, le métal, la cire d’abeille, les colles de riz ou d’algues.

Mes médiums sont le dessin, la photographie et l’installation in situ.

Chaque séance de dessin est précédée d’un échauffement corporel pour apporter un meilleur ressenti sensoriel. Mon trait acquière, ainsi, une plus grande fluidité et spontanéité. Les arts asiatiques, tels que la calligraphie chinoise et les dessins simplifiés japonais, sont des exercices de méditation active. Tracer des lignes, de manière répétitive invite à faire le vide dans l’esprit et remplir le corps d’un geste simple et tonique.

Les couleurs chatoyantes sont très présentes dans mes compositions. Elles réveillent mes sens et évoquent des souvenirs. Lors de mes voyages en Amérique du Sud et en Asie la vivacité des coloris a nourri mon regard. La rétine est dynamisée par des coloris intenses et purs. De là, je travaille par aplats de couleurs ou par jeux de contrastes.

Mes installations in situ utilisent le sol à l’instar d’une feuille de papier. Le sable, la terre, le blanc de Meudon, le bleu de maçon, les coquilles d’œufs… sont autant de matériaux pour faire œuvre. Avec une machine à tracer provenant du Japon, je réalise des marques à la mesure de l’espace urbain.

Mes œuvres amènent le spectateur à observer les lignes du quotidien. Elles l’emmènent dans un voyage reliant les arts et les sciences. Dans un intervalle entre ici et ailleurs, le regard se déplace dans des panoramas abstraits du réel.